Avez-vous déjà entendu dire que « la mort commence dans le côlon » ?
L’adage vient du scientifique russe Élie Metchnikoff, prix Nobel de médecine en 1908 pour ses travaux sur l’immunité. Il pointait le lien très étroit entre intestins et maladies.
Les bouleversements de notre mode de vie ont abouti à une effrayante intoxication de nos intestins et donc de notre corps tout entier. Les trois facteurs principaux en sont :
- le stress et le manque d’activité physique ;
- les médicaments, toxines et polluants que nous avalons, respirons ou nous injectons ;
- une nourriture mal supportée par nos intestins, entraînant inflammation du tube digestif et porosité intestinale, source d’innombrables maux.
Mais votre corps ne reste pas passif face à ces agressions.
Au contraire, il ne cesse de vous envoyer des signaux de détresse ! Diarrhées, constipation, douleurs abdominales, flatulences et mauvaise haleine, maux de tête, insomnie et fluctuations d’humeur sont, entre autres, ses façons de vous crier « AU SECOURS ! ».
Déjà le médecin grec Hippocrate l’avait compris il y a 2 500 ans, et les dernières recherches en nutrition ne font que le confirmer encore et encore : vous ne pouvez être en bonne santé que si votre flore intestinale est saine.
Une chercheuse du MIT pointe le risque de cancer
Dans la revue scientifique Nature, Susan Erdman, microbiologiste au MIT (Massachusetts Institute of Technology), fait part de ses inquiétudes quant à l’évolution du microbiote humain (« microbiote » est le nom savant de la flore intestinale).
Elle explique comment l’alimentation industrielle et les antibiotiques ont bouleversé nos populations microbiennes.
Ces bouleversements provoquent une inflammation chronique des intestins qui, selon elle, pourrait expliquer la hausse du risque de cancer du sein, des ovaires et de la prostate [1].
Le Dr Natasha Campbell établit un lien entre flore intestinale et problèmes psychologiques
En Grande-Bretagne, le Dr Natasha Campbell travaille depuis plusieurs décennies sur les liens entre désordres intestinaux et problèmes psychologiques de tous ordres : autisme, hyperactivité, dyspraxie, mais aussi dépression et schizophrénie.
Elle rappelle que le psychiatre français Philippe Pinel (1745-1828), père de la psychiatrie moderne, avait conclu dès 1807 que :
« Le siège de la folie se trouve communément au niveau de l’estomac et des intestins [1]. »
En naturopathie, on a coutume de rappeler que « tripes » est l’anagramme du mot « esprit » (les deux mots s’écrivent avec les mêmes lettres).
Pourtant, la majorité des psychiatres n’accordent toujours aucune importance au système digestif de leurs patients !
Risque multiplié d’accident cardiaque
Rappelons, en outre, que l’inflammation chronique accroît le risque de maladies cardiaques.
Selon le cardiologue Jean-Claude Tardif, directeur de l’Institut de cardiologie de Montréal :
« Le risque que les personnes atteintes d’une maladie inflammatoire fassent un infarctus est cinq à dix fois supérieur, selon leur état. Toute forme d’inflammation circulante peut augmenter le risque de subir un problème cardiaque. » [2]
C’est, bien sûr, le cas pour l’inflammation de l’intestin, qui va de pair avec les désordres intestinaux.
Les facteurs d’inflammation abîment l’intérieur de nos artères. Ils provoquent à long terme de l’athérosclérose. Au niveau du cœur, c’est le risque d’infarctus (crise cardiaque). Au niveau des artères carotides et du cerveau, c’est le risque d’AVC (attaque cérébrale pouvant provoquer amnésie, handicap ou mort).
Une mauvaise flore intestinale serait donc liée aux deux premières causes de mortalité (cancer et maladies cardiaques).
Plus de 200 maladies liées à des problèmes de flore intestinale
Mais au-delà, plus de deux cents maladies sont liées à un déséquilibre de la flore intestinale. Selon une synthèse d’études scientifiques [3], c’est le cas :
- des maladies digestives chroniques comme la constipation, la maladie cœliaque, la perméabilité intestinale, le syndrome du côlon irritable, la maladie de Crohn ;
- des maladies inflammatoires (y compris les allergies) ;
- des maladies liées au métabolisme comme le diabète, l’hypertension, l’obésité ;
- des maladies de la peau comme l’acné, l’eczéma, les dermatites, l’herpès, le psoriasis ;
- des maladies infectieuses comme les diarrhées, rhume, grippe, gastro, infections au clostridium difficile ou à H. pylori ;
- des cancers, en particulier celui du côlon.
Rétablir le contact avec la terre et la nature
Le meilleur moyen de restaurer une bonne flore intestinale consiste à rétablir le contact avec la nature, la terre, les produits naturels, qui sont naturellement porteurs des bonnes bactéries.
Il faut éloigner de nous les désinfectants, antibiotiques et autres bactéricides qui détruisent notre flore (dont le chlore dans l’eau de boisson). Il faut manger bio et éviter les aliments inflammatoires (gluten, produits laitiers, bonbons, nourriture industrielle).
Nous devons, en particulier :
- veiller à laisser nos enfants marcher à quatre pattes à l’extérieur, sans leur laver les mains toutes les cinq minutes avec des lingettes désinfectantes ;
- avoir des animaux domestiques : les enfants élevés avec un chat ou un chien dans la maison ont moins d’allergies ;
- éviter les contacts avec l’eau de Javel et les solutions hydro-alcooliques pour ne pas détruire nos équilibres microbiens ;
- manger chaque semaine des aliments fermentés non stérilisés (choucroute, cornichons, kéfir bio) ;
- manger des aliments du jardin – si vous avez la chance d’en avoir un –, cultivés bio, sans trop les nettoyer ;
- et, pour ceux qui en ont les moyens financiers, prendre des probiotiques pour réensemencer notre tube digestif. Les probiotiques sont des bactéries ayant un effet favorable prouvé sur la santé.
Il va sans dire que vous ne voulez pas introduire dans votre corps des bactéries pathogènes comme l’E. coli ou la salmonelle, ni des levures comme le Candida albicans.
Ce qu’il faut pour votre santé, ce sont des souches bactériennes « probiotiques ».
Quelles sont les souches bactériennes probiotiques
Prendre des probiotiques sous forme de complément alimentaire est le moyen le plus efficace et le plus direct de réensemencer notre côlon (gros intestin) avec les bonnes espèces bactériennes.
Je n’ai toutefois cité cette solution qu’à la fin, car elle est réservée aux personnes qui en ont les moyens.
Les probiotiques, en effet, coûtent cher. Leur mode de fabrication et de conservation est compliqué.
C’est triste à dire, mais c’est encore un facteur majeur d’inégalité devant la santé.
Pour concevoir des probiotiques qui aient des bienfaits réels pour la santé, il faut d’abord isoler des souches bactériennes répondant à une liste rigoureuse de critères. Il faut qu’elles soient :
- d’origine humaine ou issues d’aliments fermentés traditionnels ;
- résistantes aux sucs gastriques et sels biliaires, sans quoi elles sont détruites par la digestion ;
- capables d’adhérer aux voies intestinales pour ne pas être évacuées avec les déchets alimentaires ;
- capables de s’implanter à la place des bactéries mauvaises pour la santé ;
- capables de stimuler l’immunité ;
- capables de produire des substances antimicrobiennes ;
- ne présenter aucun risque pour la santé ;
- pouvoir être produites et conservées dans un état stable.
Ces critères sont si nombreux que peu de souches bactériennes les respectent.
Les souches de probiotiques aux effets scientifiquement reconnus
À l’heure où je vous écris, différentes souches de bactéries ont été identifiées scientifiquement, de façon rigoureuse, comme respectant les critères ci-dessus… Mais seulement cinq biotypes bactériens ont été particulièrement éprouvés par des tests cliniques.
Il s’agit du Lactobacillus acidophilus, du Lactobacillus casei, du Lactobacillus plantarum, du Bifidobacterium et du Streptococcus thermophilus.
Ces différentes souches peuvent être prises séparément ou de manière combinée. Elles peuvent réguler la flore intestinale en influençant la production de certaines substances microbiennes (toxines). Elles empêchent l’implantation de bactéries pathogènes. Elles améliorent la digestion et aident à moduler la réponse immunitaire.
Ces facteurs contribuent à réduire l’inflammation chronique des voies digestives et à prévenir les infections et les maladies graves [6] [7].
Une bonne digestion est aussi la garantie d’une plus grande énergie. Les probiotiques ont été testés avec succès contre le syndrome de fatigue chronique [8].
Notons enfin que, dans cette dernière étude, il a été établi qu’une dose de 10 milliards de probiotiques par prise quotidienne est le minimum. Mais l’effet ne devient notoire qu’à partir de 25 milliards.
Important : le mode de fabrication
Tout aussi important que le type de souches bactériennes, il y a le mode de fabrication des probiotiques.
Vous allez comprendre pourquoi les probiotiques, bien que nécessaires pour une bonne santé dans les conditions de la vie moderne, restent toutefois des produits hautement techniques et donc coûteux.
Une fois la bonne souche bactérienne identifiée, elle doit être conservée à - 80 °C.
Pour en produire les quantités nécessaires en supplémentation nutritionnelle, il faut des fermenteurs, qui sont des sortes de « réacteurs » énormes de 2 à 3 000 litres. On introduit dans ces réacteurs la souche bactérienne qui aura été préalablement repiquée et inoculée dans des fioles de capacité croissante.
La culture en réacteur dure moins de 24 heures. Des conditions extrêmement précises de température, acidité, aération et agitation doivent, bien sûr, être réunies.
En fin de fermentation, les bactéries sont récupérées en les faisant tourner à très haute vitesse (centrifugation). On obtient ainsi une « pâte bactérienne » très concentrée.
Il faut alors la faire sécher avec grande précaution pour maintenir un maximum de bactéries en vie. Cette technique s’appelle la « lyophilisation » : on congèle la pâte bactérienne et elle est mise sous vide, ce qui permet à la glace de s’évaporer directement sans passer par l’état liquide. L’eau est directement extraite sous forme gazeuse selon le phénomène de la « sublimation ».
Cette phase peut durer entre un et trois jours. À son terme, le produit se présente sous forme de gâteau sec : pratiquement toute l’eau a été extraite.
On peut alors réduire ce gâteau en poudre bactérienne, appelée « culture pure », qui permettra de fabriquer le produit fini (gélule, poudre ou autre produit contenant des probiotiques).
Indispensable : maintenir un maximum de bactéries vivantes !
Les probiotiques sont des produits vivants : quoi que vous fassiez, les bactéries meurent avec le temps.
Tout ce que vous pouvez faire est de ralentir leur vitesse de disparition.
- Elles meurent plus lentement si la lyophilisation a été très bien faite.
- Elles meurent aussi plus lentement si elles sont conservées à une température proche de 40 °C.
À cette température, les bactéries lactiques auront une courbe de décroissance de 2 à 3 % du nombre de bactéries initiales par mois. Ce taux de décroissance est de 10 à 15 % lorsque ces mêmes bactéries sont maintenues à une température ambiante (entre 20 et 25 °C) [9].
Les bactéries ont aussi besoin d’être protégées de l’oxygène. Certaines souches, enfin, plus résistantes, survivent plus longtemps.
En apportant un soin particulier à la fabrication (lyophilisation maximale, sélection des souches et protection contre l’oxygène), les meilleurs probiotiques parviennent à un taux de survie de 40 % après 24 mois à 25 °C, alors que ce pourcentage est de 25 % après 6 mois pour les bactéries lactiques non protégées.
Probiotiques : la santé à deux vitesses
Vous comprenez pourquoi je parlais d’un facteur d’inégalité devant la santé.
La plupart des citoyens n’en ont pas conscience, mais :
- d’un côté, il y a la petite élite bien informée qui a les moyens d’acheter les nouveaux compléments alimentaires de probiotiques bien dosés, à 10 milliards de probiotiques ou plus par dose ;
- de l’autre, la masse des personnes qui se font vendre des probiotiques absolument inutiles, souvent à bas prix, mais de toute façon toujours beaucoup trop chers pour leur efficacité, qui est de zéro.
Ce que 99,9 % des gens ignorent, c’est que des millions de bactéries probiotiques ne représentent rien par rapport à la quantité nécessaire. Cela ne peut pas avoir d’effet sur votre santé. Les bactéries, d’ailleurs, n’atteindront probablement jamais votre côlon. Elles ne pourront pas s’y implanter, et encore moins avoir un effet quelconque sur votre santé.
C’est pourquoi les autorités de santé ont toujours lutté énergiquement contre les vendeurs de probiotiques qui tentent de faire croire (allégations) que leurs produits ont un effet sur la santé.
De nombreuses personnes ont essayé les probiotiques et se sont convaincues que ça ne marchait pas. Leur produit était « tout simplement » mille ou dix mille fois sous-dosé…
Mais pour le fabricant, la différence est capitale : produire de prétendus « probiotiques » qui contiennent cent millions de bactéries ne coûte que quelques centimes.
Il est facile alors de faire une énorme « culbute », si vous trouvez un client prêt à payer 10 ou 20 euros pour ça.
Par contre, commercialiser des probiotiques contenant plus de 10 milliards de bactéries par dose est un défi. Car la plupart des gens estimeront que le prix en est trop élevé. Elles croiront faire une « affaire » en trouvant des probiotiques moins chers ailleurs.
Grave erreur…
Probiotiques de nouvelle génération
J’ai parlé de « nouveaux » probiotiques ci-dessus. Pourquoi ?
Parce que les produits les plus avancés ne contiennent plus seulement des probiotiques, mais également des prébiotiques qui vont nourrir les probiotiques en place dans l’intestin.
Le terme de « prébiotique » a été introduit récemment, en 1995, par Gibson et Roberfroid [10]. Ils doivent être distingués des probiotiques, car ce ne sont pas des micro-organismes.
Ce sont des fibres, que vous ne digérez pas mais qui sont très appréciées des bactéries dans le côlon. Elles passent dans votre estomac et rejoignent l’intestin, où elles permettent aux bactéries de proliférer.
Les prébiotiques sont considérés comme des facteurs de croissance des probiotiques. En d’autres termes, leur présence multiplie le nombre et les effets des probiotiques présents dans le côlon.
Les plus utilisés actuellement sont l’inuline et les fructo-oligo-saccharides. Ils sont efficaces, mais les meilleurs prébiotiques sont ceux que l’on trouve dans le lait maternel. Ils protègent les nourrissons de la diarrhée et renforcent leur immunité à un stade du développement où ils restent très fragiles. On les appelle les « galacto-oligo-saccharides ».
Ils réduisent la quantité de bactéries néfastes et germes pathogènes tels que le clostridium et l’E. coli.
Ils accroissent l’absorption des minéraux, en particulier du calcium, stimulent les enzymes bactériennes détoxifiantes, favorisent l’excrétion des sels biliaires et font baisser la production de composés néfastes tels que les phénols et les indoles.
Ils atténuent la constipation, réduisent le risque de diarrhées et de maladies inflammatoires intestinales. Les galacto-oligo-saccharides exercent un effet à partir de 300 mg par jour.
Les produits contenant à la fois des pro- et des prébiotiques sont parfois appelés « symbiotiques ».
Lorsqu’ils contiennent les bonnes souches bactériennes, dans des quantités suffisantes, vous avez, réuni en une seule prise, un concentré de bienfaits pour vos intestins et votre santé en général.
En principe, vous commencez à observer des effets bénéfiques au bout de six semaines.
Sources :
Marc Dupuis santé Nature Innovation
[1] Nature, 19 novembre 2015, Vol. 527, S117.
[2] Inflammation chronique et maladie cardiovasculaire : un lien de plus en plus évident par Guy Sabourin
[3] Probiotics
[4] Hygiène et santé de l'enfant : Gare à l'excès de propreté à la maison
[5] Amish children living in northern Indiana have a very low prevalence of allergic sensitization
[6] Paquette I. Étude et évaluation d’une matrice protéique pour la protection de bactéries probiotiques. Mémoire de maîtrise en sciences et technologies des aliments. Québec, Canada, 2013.
[7] Sherman P.M., Ossa J.C. & Jonhson-Henry K. « Unraveling mechanisms of action of probiotics ». Nutrition in Clinical Practice, 2009, Vol. 24 (1) : 10-14.
[8] A. Venket Rao, Alison C. Bested, Tracey M. Beaulne, Martin A. Katzman, Christina Iorio, John M. Berardi. A randomized, double-blind, placebo-controlled pilot study of a probiotic in emotional symptoms of chronic fatigue syndrome.
[9] Informations provenant d’un fabricant, la société THT.
[10] Gibson G.R., Roberfroid M.B. « Dietary modulation of the human colonic microbiota : introducing the concept of prebiotics ». J. Nutr., juin 1995, Vol. 125, n° 6, p. 1401-1412.
[11] Le syndrome entéropsychologique (GAPS) Par le Dr Natasha Campbell-Mc Bride
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