Le
sucre est un nouveau venu dans l'alimentation humaine.
Avant
le développement de l'agriculture, il y a 10 000 ans, nos ancêtres se
nourrissaient de verdure, racines, noix, fruits, un peu d'œufs, de poissons,
crustacés et animaux dont ils mangeaient les entrailles riches en graisses.
Mais
pas de sucre !
Pas
de sucre jusqu'à la fin du Moyen Âge
Le
sucre était encore quasi inconnu en Europe à la fin du Moyen Âge. Seuls
quelques croisés en avaient rapporté d'Orient, les Arabes ayant découvert la
canne à sucre peu auparavant, en Inde, au Xe siècle.
Mais
il s'agissait d'un produit rare et précieux. Les fruits confits au sucre étant
considérés comme le plus beau cadeau qu'un chevalier puisse rapporter à sa
dame. Les fruits confits étaient connus des Romains, mais ceux-ci les faisaient
cuire dans le miel, non dans le sucre, qu'ils ne connaissaient pas.
La
véritable folie du sucre commença au XVIe siècle lorsque les Portugais
plantèrent les premières cannes à sucre au Brésil. Cette culture se révéla si
fructueuse qu'elle s'étendit rapidement à toutes les Caraïbes, motivant
l'importation massive d'esclaves.
Seule
la culture du tabac parvenait à rivaliser avec celle de la canne à sucre !
La
révolution de la betterave à sucre
Au
XIXe siècle, la découverte des techniques industrielles pour transformer la
betterave sucrière en sucre cristal en Europe entraîne une explosion de la
production, multipliée par 1000 [1].
Le
sucre envahit tout : la pâtisserie, la boulangerie, la viennoiserie, les
boissons chaudes et froides (limonade), les sauces et bien sûr la confiserie.
Les
bonbons deviennent le symbole de l'enfance heureuse, de la joie, de la fête
(Saint-Nicolas, Noël, anniversaires...).
De
produit de luxe, le sucre devient produit banal, complètement intégré à nos
habitudes, et ce d'autant plus que nos organismes sont désormais « demandeurs »
de glucose à chaque étape de la journée. Sans apport constant de « petit sucre
» dans le café, de « petit chocolat », de chewing-gum, de bonbons et de snacks
en tout genre, nous avons l'impression de déprimer.
En
France, la consommation annuelle de sucre par habitant est de 35 kg. Aux
Etats-Unis, elle est de 79 kg par an et par habitant.
Seuls
14 kg sont consommés directement sous forme de saccharose (sucre de table).
Tout le reste provient des bonbons, sodas, gâteaux, biscuits, fast-foods et
nourriture industrielle en tout genre, en particulier les sauces (ketchup) et
pâtes à tartiner [2].
L'obésité,
symbole de la prospérité
Ce
bouleversement a entraîné une kyrielle de maladies. Dès le XIXe siècle,
l'obésité devient le blason de la bourgeoisie d'affaires. Ce phénomène nouveau
(à cette échelle) est d'abord perçu comme un signe de prospérité, et il faudra
un siècle entier pour que les mentalités évoluent, et comprennent qu'il s'agit
en réalité d'un signe de maladie.
La
prise de conscience se fait après la Seconde Guerre mondiale, alors que
l'obésité devient un phénomène visible et inquiétant dans les villes
américaines.
En
1942, le médecin américain Robert Boesler affirme que le sucre, et non le
simple excès d'appétit, est responsable de l'obésité et cause de caries
dentaires.
Mais
les médecins s'aperçoivent que leurs mises en garde contre le sucre ne servent
à rien. La consommation ne cesse de monter. Émerge dans les années 60 la
théorie que le sucre serait une drogue.
Le
sucre, une drogue ?
En
effet, l'ingestion de sucre provoque une sensation d'euphorie et de satiété.
Mais après un pic de production d'insuline, le taux de sucre (glycémie)
s'effondre brusquement, provoquant un mal-être, voire une sensation
d'étourdissement ou cas d'hypoglycémie. Le sujet se trouve dans un état de
manque addictif qui le pousse à rechercher une nouvelle prise de sucre.
Cette
prise permet la disparition temporaire des sensations désagréables : anxiété,
angoisse, fatigue, baisse de l'activité cérébrale (mémoire, acuité mentale...).
Le
sucre – et non la graisse – première cause d'obésité
L'obésité
est l'augmentation anormale de la graisse corporelle, appelée « masse adipeuse
».
Elle
découle de l'absorption rapide du glucose dans les cellules au moment du pic d'insuline
qui suit immédiatement la prise de sucre.
Le
corps se retrouve dans cette situation bizarre où :
les
cellules sont gavées de sucre et n'ont plus d'autre choix pour le stocker que
de le transformer en graisse ;
le
sang est appauvri en sucre au moment où s'installe l'hypoglycémie, poussant le
cerveau à réclamer un supplément de sucre alimentaire.
Les
corps gras s'accumulent dans les tissus. L'obésité s'installe.
Le
diabète en embuscade:
Mais
les problèmes ne s'arrêtent pas là. Gavées de sucre, les cellules perdent
progressivement leur sensibilité à l'insuline, une hormone fabriquée par le
pancréas, qui leur commande d'absorber le sucre sanguin.
Elles
refusent d'intégrer davantage de glucose, le taux de glucose sanguin monte
(hyperglycémie) et c'est bientôt le diabète de type 2 (diabète sucré).
Le
diabète de type 2 est une maladie grave, car un sang trop chargé en sucre est
toxique pour les parois des vaisseaux sanguins.
Le
sucre en circulation dans le sang provoque le rétrécissement des artères.
L'apport
en oxygène diminue, abîmant les nerfs (neuropathie) et provoquant une perte de
sensibilité.
Le
rétrécissement touche aussi les petits vaisseaux sanguins, ce qui provoque une
baisse de l'irrigation sanguine. Les plaies ne cicatrisent plus.
Ne
ressentant plus la douleur, le patient ne s’inquiète pas des différentes
lésions qui peuvent apparaître à la surface de ses membres. L'infection
progresse, de plus en plus rapidement. C'est la gangrène qui menace (mort des
tissus), avec à la clé l'amputation.
Lorsque
ce sont les artères des yeux qui rétrécissent, le sujet devient aveugle.
Lorsque ce sont celles reins, c'est l'insuffisance rénale. Le diabète abîme les
artères et est donc bien sûr un facteur majeur de maladies cardiaques.
En
fait, le diabète de type 2 peut provoquer virtuellement des catastrophes dans
tous les organes, même si les attaques cérébrales, l'infarctus, l'amputation
des pieds et la cécité (le fait d'être aveugle) sont les conséquences les plus
fréquentes.
Tout
cela n'est pas un secret ! Les médecins comme les responsables de l'hygiène
alimentaire le savent parfaitement. Le problème est qu'ils ne proposent en
général pas de solution efficace pour sortir de cette dépendance.
Cure
de désintoxication:
Pour
sortir de la dépendance au glucose, la première chose est de ne pas désespérer.
Comme
pour les drogues, le plus dur est toujours au début. Il faut savoir que vous
pouvez assez facilement perdre l'habitude et le goût immodéré pour le sucre.
Ainsi
boire son café ou son thé sans sucre, remplacer le dessert sucré par des noix
et du fromage, boire de l'eau plutôt que des boissons sucrées, est frustrant au
départ.
Mais
il ne faut que quelques jours pour s'habituer à ce régime et développer un
nouveau goût, beaucoup plus sensible au sucre, et beaucoup plus facilement
écœuré face à l'excès sucré.
Le
jeûne:
Afin
de purger les cellules de leur glycogène (glucose stocké), les exercices
physiques réguliers sont bien sûr de mise, mais la méthode la plus efficace est
le jeûne de courte durée.
Au
bout de 36 heures, les réserves de glycogène sont épuisées et vous entamez vos
réserves de graisses (catabolisme des lipides).
Selon
une toute nouvelle étude publiée dans la revue PNAS, la fréquence de nos repas,
et en particulier le dîner, seraient en contradiction avec les rythmes naturels
du corps.
«
Pour nos ancêtres, la nourriture était rare et principalement consommée pendant
les heures du jour, faisant place à de longues heures de jeûne nocturne. Avec
l'avènement de l'éclairage artificiel et l'industrialisation, les humains
modernes ont commencé à prolonger leur journée après l'obscurité, avec pour
résultat une consommation supplémentaire de nourriture », expliquent les
auteurs.
Ils
recommandent d'adopter une forme de jeûne intermittent, par exemple une
alimentation normale pendant 5 jours, et pas plus de 500 calories (kcal)
pendant 2 jours.
Ces
habitudes alimentaires, écrivent-ils:
«
sont en fait beaucoup plus conformes à celles des animaux sauvages et des
chasseurs-cueilleurs qui ne souffrent que rarement, sinon jamais, d'obésité, de
diabète et de maladies cardio-vasculaires. [3] »
Cela
paraît toutefois très restrictif. Mon avis (qui n'engage que moi !) est qu'il
serait déjà bien d'éviter de manger après le coucher du soleil, ou du moins de
ne dîner que légèrement (car en hiver où le soleil se couche à 16 h 30, ce
serait trop difficile).
Privilégier
les sources de glucose non sucrées
Réduire
le plus fortement possible votre consommation de sucre ne doit toutefois pas
vous priver entièrement de glucose.
Le
glucose est un carburant puissant et rapide pour nos cellules. Privilégiez le sirop d'agave, ou le miel.
Il
est aussi important en tant que saveur, provoquant une mise en route des
fonctions digestives et plus généralement hormonales et gastriques.
Mais
il faut savoir que nous avons déjà dans notre alimentation de très nombreux
aliments non sucrés et qui sont pourtant des sources majeures de glucose : pain
complet, pâtes, légumineuses (lentilles, pois, haricots, fèves), céréales
entières, et je conseille d'en limiter la consommation au profit des légumes
verts, des protéines et des graisses.
En
aucun cas vous ne risquez de manquer de glucose sous prétexte que vous ne
mangez plus de sucreries !
Et pour le goût sucré,
encore plus poison c'est de vous tourner vers l'aspartame et les autres édulcorants
chimiques.
Sources
:
[1]
Pierre Dockès, Le Sucre et les Larmes : Bref essai d’histoire et de
mondialisation, Descartes & Cie, 2009, 286 p. (ISBN 2844461344)
[2] The Hidden
Ingredient That Can Sabotage Your Diet
[3] Meal
frequency and timing in health and disease
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