« Connais ton ennemi »,
a dit Sun Tzu, célèbre général chinois qui vécut à la fin du VIe siècle
av. J.-C.
Son manuel de stratégie militaire, « L'Art de la guerre », est toujours utilisé dans les armées modernes. Vous le trouvez même à la Fnac ou sur Amazon [1].
Son manuel de stratégie militaire, « L'Art de la guerre », est toujours utilisé dans les armées modernes. Vous le trouvez même à la Fnac ou sur Amazon [1].
Sun Tzu explique que « L'art de la guerre, c'est de soumettre l'ennemi sans combat. »
Cela semble bizarre mais c'est logique : l'idéal est de mettre votre
ennemi dans une telle position de faiblesse qu'il n'essaiera même pas de se
battre.
Sun Tzu montre comment analyser les faiblesses
de l'ennemi, comment les exploiter, comment les aggraver. Il met l'accent sur
la psychologie du combat et sur l'importance de la ruse et de
la fuite.
En relisant Sun Tzu, j'ai pensé à la lutte
contre la malbouffe.
Lutte contre la
malbouffe : d’abord connaître votre ennemi
J’ai récemment expliqué l’importance de ne pas essayer
de maigrir quand on est dans la « malbouffe », et qu’on consomme
beaucoup de sucreries, fast-food, boissons sucrées…
La priorité, c’est d’apprendre à manger sain.
Manger autant que l’on veut, mais manger sain. Retrouver son poids idéal sera
une conséquence du fait de bien se nourrir. Le régime restrictif ne viendra que
dans un second temps s’il est indispensable. Souvent, il ne l’est pas.
Mais ce n’est pas si simple, d’arrêter la
malbouffe.
Il va falloir lutter contre les tentations. D’où
l’importance de connaître votre ennemi, savoir par où vos envies de
malbouffe commencent.
Un processus
inconscient
L’envie de malbouffe commence par un processus
inconscient : vous êtes chez vous, au travail, en voiture, dans la rue et,
soudain, alors que vous pensiez à tout autre chose, vous avez envie de manger
un petit pain au chocolat, d'ouvrir un paquet de chips, plonger votre main dans
un sac de bonbons, ou entrer dans une échoppe acheter une pizza, un hamburger,
des frites…
Bien souvent, en réalité, l'idée ne sera pas
venue complètement seule.
Première possibilité : l’envie de malbouffe vous vient parce
que vous avez vu ou senti de la malbouffe. Vous êtes passé devant un rayon,
une vitrine, votre frigo. Vous avez trouvé un bonbon dans votre poche, une
plaquette de chocolat en ouvrant un placard. Vous avez senti une odeur de
boulangerie, de friture, de fromage grillé, ou entendu même des bruits de
nourriture (à la radio, les publicités pour la malbouffe comprennent souvent
des bruitages de grésillement, friture, pour donner faim).
Mais il y a d’autres possibilités :
L’envie de malbouffe peut se
déclencher parce que vous êtes dans une situation qui, consciemment ou
inconsciemment, est associée à la malbouffe dans votre esprit. Par
exemple vous avez l'habitude, le soir en rentrant chez vous, de picorer des
cacahuètes grillées en attendant le repas. Ou de manger des chips devant la
télévision. Ou de sucer des bonbons en voiture…
Enfin, l’envie de malbouffe peut venir du simple
fait de se sentir seul, triste ou fatigué. Si vous avez tendance à
vous servir de la nourriture pour vous remonter le moral, alors votre cerveau
s'attend à recevoir sa dose de glucose, pour le « récompenser »,
chaque fois que vous éprouvez de sombres sentiments.
La malbouffe devient
obsessionnelle
Une fois que l’envie de malbouffe surgit dans votre
cerveau, elle se transforme vite en un besoin obsessionnel.
Arrêter d'y penser devient difficile, ou
impossible. Vous n’arrivez absolument plus à penser à autre chose.
Une bataille fait rage dans votre cerveau.
D'un côté, il y a votre cerveau émotionnel qui
veut sa récompense tout de suite, sous forme d'afflux de dopamine généré par le
plaisir de la nourriture dans votre bouche.
En face, il y a la partie rationnelle de votre
cerveau. Elle vous dit que vous n'avez pas besoin de manger maintenant. Que ce
serait mauvais. Que vos besoins physiologiques sont largement couverts. Et que
votre corps se porterait beaucoup mieux si vous parveniez à résister à
l’envie de malbouffe.
Votre volonté est donc divisée en deux parties,
qui se font une guerre violente d'opposition : vous voulez
vraiment le bien de votre corps, une silhouette plus fine, une meilleure
santé ; et vous voulez vraiment manger cette sucrerie, ces chips, ces
frites… maintenant.
La partie du cerveau qui défend l'option
raisonnable est votre cortex cérébral préfrontal ; celle qui vous enjoint
de tendre la main et de porter l'aliment à votre bouche tout de suite est votre
cerveau primitif. Le cerveau primitif abrite le système de
« récompense » qui vous procure le plus facilement du plaisir.
C'est comme si votre cerveau se battait contre
lui-même. Et malheureusement, les parties primitives du cerveau sont bien plus
puissantes, volumineuses, et anciennes, que votre cortex. D'entrée de jeu,
elles ont un avantage énorme dans la bataille.
Un traître dans votre
cerveau
Mais il y a encore pire : votre cortex, qui vous
raisonne, qui vous rappelle vos bonnes résolutions, qui vous explique pourquoi
mieux vaut résister à la tentation, n'est en réalité pas du tout aussi
loyal qu'il en a l'air.
C'est même un redoutable traître.
Sous couvert de défendre vos intérêts, votre cortex est aussi excellent à vous
trouver de bonnes raisons de céder à la tentation. Il est extrêmement fort pour
vous inventer des excuses, vous suggérer que ce pain au chocolat que vous
lorgnez est « tout petit », que vous n'avez de toute façon pas mangé
grand chose hier soir, ou que ce n'est pas grave, il vous « suffira »
de sauter le déjeuner…
Et c'est là qu'il faut revenir à
Sun Tzu : « Connais ton ennemi ».
Depuis les philosophes antiques (Platon,
Aristote…), nous croyons que nous sommes « victimes » de nos
passions, mais que notre « raison » est notre alliée pour faire les
bons choix. La sagesse consisterait à nous libérer de la dictature de nos
désirs, pour suivre ce que nous indique notre raison.
En réalité, les recherches modernes en
psychologie et en neurologie (fonctionnement du cerveau) montrent un tableau
différent [2]. Dans un nombre incroyable de cas, notre raison nous sert
uniquement à nous donner de bonnes raisons de faire ce que nous avons
envie de faire.
Connaître votre ennemi, c'est comprendre
cela : comprendre que votre raison et vos désirs sont en fait secrètement
alliés contre vous.
La tactique pour
résister
La bonne
tactique pour résister à l’envie de malbouffe est donc de ne jamais compter sur
votre raison pour vous aider.
D'ailleurs, vous savez bien que ça ne marche
pas : plus vous cherchez d'arguments pour résister à la tentation, plus la
tentation devient forte.
Comme l'a dit Sun Tzu, la première chose à
faire est de fuir le combat quand il est inégal et que vous
partez désavantagé. Evitez au maximum de passer dans des endroits qui risquent
de vous déclencher des envies de malbouffe, ou de faire entrer chez vous des
paquets de bonbons, biscuits, chips.
Mais une fois que la tentation est là,
Sun Tzu recommande d'agir avec ruse.
Au lieu d'essayer de vous interdire de craquer,
ce qui est impossible, amusez-vous à observer les deux parties de votre
cerveau qui font semblant de se battre, mais qui en fait conspirent
contre vous.
L'un (votre cerveau primitif) vous dit :
« Vas-y, cède ! », comme le petit diable rouge
qui encourage Milou à oublier les consignes de Tintin et à s'emparer de
l'os.
Ce petit diable est méchant. Mais il a au moins
le mérite d’agir ouvertement. Vous voyez bien que ce Milou tout rouge
vous veut du mal, avec sa queue pointue, sa fourche et ses ailes de
chauve-souris.
Pendant ce temps là, il y a l’autre, le petit
ange avec son auréole sur sa tête, qui vous dit : « Non, ne cède
pas ». C’est votre cortex cérébral.
Mais c’est lui le véritable traître. C’est de
lui qu'il faut le plus vous méfier.
Il ferme hypocritement les yeux, et fait
semblant d’être de votre côté.
Mais aussitôt, il vous trahit de la façon la
plus vicieuse. Observez-le ! Prenant un air mielleux, le voilà qui
enchaîne : « Enfin, après tout, si tu me promets que tu ne
recommenceras pas… Tu as déjà fait tant d'efforts… Tu es si méritant… La vie
est si dure… Et puis, il n'y a pas de mal à se faire du bien ! À quoi bon
vivre si c'est pour se priver de tous les plaisirs de la vie ? Et puis ce
n'est pas grave ! Allez, vas-y, cède ! »
La prochaine fois que vous avez une envie de
malbouffe, donc, faites comme si vous étiez au spectacle.
Observez le petit jeu qui se passe dans votre
cerveau. Et attendez le bon moment pour démasquer le traître, lui tirer les
oreilles, et le renvoyer avec un bon coup de pied au derrière !
Sources :
[1] Amazon, L'art de la guerre
[2] Voir les travaux en psychologie sociale et les études sur la morale de Jonathan Haidt, professeur à l'Université de New York.
[1] Amazon, L'art de la guerre
[2] Voir les travaux en psychologie sociale et les études sur la morale de Jonathan Haidt, professeur à l'Université de New York.
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