Oui, mais quand on vieillit, on a de plus en plus
de risques de souffrir quelque part, ou même à plusieurs endroits, et ça gâche
fortement le plaisir de « l'instant présent » !
Selon une étude qui vient de paraître dans la
revue médicale The Lancet, le vieillissement de la
population entraîne une hausse spectaculaire de maladies : sur l'année 2013, 95
% des êtres humains ont eu au moins un problème de santé, et un tiers auraient
eu cinq maladies ou plus !!
Et c'est vrai : à partir d'un certain âge, qui
n'a pas mal au dos, aux articulations, qui ne perd pas la vue, l'ouïe, la
mémoire, qui n'a ni problème de sommeil, ni maladie du cœur, ni problème de
prostate, de peau, de cheveux qui tombent ou d'os qui cassent ?
Mais puisque nous ne pouvons rien y faire (en
attendant que les gens de Google trouvent le moyen de nous guérir de toutes les
maladies et de nous rendre immortels), le plus sage est de trouver le moyen
d'être heureux malgré tout ça.
Le problème de la
douleur
Mettons-nous dans la peau d'une personne qui souffre,
alors qu'elle a tout essayé, moyens conventionnels comme moyens naturels. Elle
sait maintenant qu'elle ne va plus trouver aucune solution.
Le meilleur moyen de vivre malgré tout, selon
les témoignages que j'ai recueillis au long des années, c'est d'admettre
cette douleur comme une compagne, qui désormais vit avec vous, partage vos
jours et vos nuits, que vous le vouliez ou non.
Vous pouvez lui parler, et même lui donner un
nom. Elle est avec vous comme une amie fidèle. Il faut essayer de ne pas la
détester, parce qu'on se rend malheureux à haïr quelqu'un avec qui l’on est
obligé de vivre.
Mais ce qui est beau, c'est qu'on peut découvrir
que cette compagne a en fait des choses à nous dire. Beaucoup de choses très
belles à nous enseigner.
Elle peut nous aider à faire des changements sur
nous-même dont nous savions qu'ils étaient nécessaires, mais que nous n'avons
jamais eu le temps de faire lorsque tout allait bien.
Elle peut nous aider à remettre de l'ordre dans
nos priorités. Nous permettre de distinguer ce qui est important de ce qui est
futile, ce qui est bon de ce qui est mauvais, ce qui est beau de ce qui est
laid.
La douleur nous débarrasse de beaucoup des
petitesses qui sont en nous. Elle nous aide à porter un regard plus aimant et
compréhensif sur nos frères humains dont beaucoup sont eux aussi
accablés.
Elle nous empêche souvent d'agir et, c'est ce
qu'il y a de pire, d'aider comme nous le voudrions les personnes que nous
aimons. Mais si nous interrogeons en vérité nos proches, nous nous rendons
compte que, bien souvent, ce qu'ils attendent de nous ce n’est pas d'abord des
actions mais de bonnes pensées, des intentions bienveillantes, de porter sur
eux un regard d'amour. C'est ce qui manque le plus dans notre monde. C'est ce
dont ont soif tant d'enfants mal aimés, tant d'adolescents incompris, tant de
jeunes adultes déboussolés.
« Ma douleur, ma maîtresse », dans le sens
(négatif) de quelqu'un qui me domine, bien sûr, plus que je ne le voudrais,
mais aussi dans le sens de la maîtresse qui m'enseigne la sagesse, qui m'aide à
grandir…
Or, être heureux, ce n'est pas autre chose que
la conscience d'être sur un chemin qui me mène à mieux comprendre le monde,
mieux comprendre ma vie, mieux aimer les autres.
Il y a aussi un aspect très important de la
psychologie humaine, dont il faut prendre conscience pour se débarrasser de
peurs qui n'ont pas lieu d'être.
Notre niveau de bonheur dépend beaucoup moins
des circonstances de notre vie que nous ne l'imaginons souvent. En fait, les
psychologues se sont aperçus que les gens ont une sorte de « niveau de bonheur
» qui revient toujours vers la même moyenne. Ainsi, une personne est convaincue
qu'elle sera définitivement heureuse le jour où elle obtiendra ceci ou cela (le
diplôme, la maison, la promotion de ses rêves…). Le jour où cela se produit,
elle est au septième ciel. Mais, après quelques semaines, quelques mois, elle
s'habitue, et revient grosso modo à son niveau de bonheur de départ.
Et la chose marche en sens inverse : une
personne subit un grand malheur. Sur le coup, elle sent sa vie s'effondrer,
elle est convaincue qu'elle ne s'en remettra jamais. Mais après quelques
semaines ou mois, elle s'habitue inconsciemment à sa nouvelle condition et, peu
à peu, elle revient elle aussi vers sa « moyenne » de bonheur.
Sauf exceptions, ce qui procure le sentiment
d'être heureux ou malheureux n'est pas un état donné dans nos vies, mais les
changements dans un sens ou dans l'autre.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, on a
des témoignages de tétraplégiques, des personnes qui ne peuvent plus remuer la
moindre partie de leur corps, qui manifestent beaucoup plus de joie de vivre
que des personnes qui ont « tout pour être heureuses ». Là où les uns prennent
tout pour acquis (par exemple, le fait de pouvoir bouger les bras pour manger)
et ne pensent absolument pas à se réjouir, le tétraplégique, lui, pourra
éprouver un réel sentiment de bonheur en parvenant à faire une chose très
simple mais qu'il croyait impossible pour lui-même.
C'est ainsi que la vie d'une personne qui
souffre peut malgré tout être jalonnée de petites victoires qui lui procurent
un réel sentiment d'accomplissement, et donc de joie.
En vieillissant on ne peut s'empêcher de penser à la
mort qui approche et, au début, vous la voyez comme un voleur haïssable, qui
vient vous priver du temps dont vous aviez besoin pour atteindre vos buts,
accomplir vos projets, des moments mérités que vous attendiez depuis si
longtemps.
Il y a tant à faire : des voyages, des livres à
écrire, peindre, consacrer à ses proches le temps que l'on n'a pas eu le temps
de leur donner.
Quand on est jeune, la peur de la mort peut être
forte mais notre psychisme « supprime » cette pensée, trop angoissante.
Autrement dit, nous sommes dans le déni de la mort pour pouvoir vivre
pleinement l'instant présent.
Mais en vieillissant, vous arrivez forcément à
la croisée des chemins, au jour où vous devez choisir entre continuer sciemment
à nier votre mort qui approche pour continuer à vivre comme si de rien n'était,
ou alors apprendre à accepter ce moment qui nous attend tous, et l'attendre
avec un maximum de sérénité.
Je pense que l'on peut faire les deux.
Continuer à vivre pleinement, y compris en se
fixant des objectifs de long terme, tout en laissant progressivement la réalité
de la mort prendre sa place dans notre psyché (esprit).
C'est le moyen de continuer à être heureux
malgré la mort qui approche : prendre pleinement conscience de notre état de
mortel, tout en évitant que cette pensée ne nous obsède, nous paralyse, car
c'est en restant actif et toujours « en chemin » que l'on atteint le
bonheur.
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